top of page
TT.jpg
0912_Pattern06.png

TYRFINGUR
TYRFINGSSON 

Après une année de pause, le blogue est de retour, prêt à vous faire découvrir le Théâtre à l’eau froide sous un nouvel angle. Aujourd’hui, nous nous intéressons à Tyrfingur Tyrrfingsson, un auteur islandais découvert par les membres du TEF. En collaboration avec le Théâtre de Quat’Sous, la compagnie est fière de présenter pour la toute première fois à Montréal l’une de ses œuvres.
 

Tyrrfingsson construit des univers éclatés et provocants, qui ne cessent de surprendre et de captiver les spectatrices et spectateurs. Ses textes se sont d’ailleurs retrouvés parmi les favoris du club de lecture du TEF.

En attendant Helgi, qui prendra l’affiche en avril prochain, cet article propose un aperçu de l’univers de Tyrrfingsson à travers trois de ses œuvres marquantes. Vous y trouverez également une entrevue exclusive entre l’auteur et la dramaturge Marianne Dansereau.
 

Les mangeurs de pommes de terre (2017)

Capture d’écran, le 2025-02-17 à 17.59.21.png

Lisa, une infirmière, s’est récemment installée dans un appartement où règne un désordre indicible. Elle a reçu une médaille de mérite du Président de la République pour ses actions humanitaires durant la guerre du Kosovo. Lorsque son ex-beau-fils, sa fille et son petit-fils passent la voir, il est beaucoup question de son passé. À force de l’évoquer, elle sera contrainte de le regarder en face. Et ce n’est pas très glorieux…

Bleus (2014)

Valter et Ella, frère et sœur, ont à peine la trentaine. Les deux habitent la maison de leur père, dans un rez-de-chaussée où ils ont été relégué.e.s depuis sept ans. Leur jeune frère Éric, enfant préféré au statut privilégié, vit à l'étage du dessus. Les seules relations qu'Ella et Valter entretiennent avec le monde extérieur se font par internet. Au début de la pièce, leur père vient de mourir et le début des obsèques est imminent. Une vie nouvelle semble s'ouvrir pour eux. Valter aimerait rencontrer pour de bon le chauffeur de taxi avec lequel il échange sans cesse en ligne. Ella se projette dans une vie d'autrice de romans féminins à succès. Valter et Ella, qui pourraient enfin s'affranchir du joug paternel et emménager à l'étage supérieur, s'échinent à régler leurs comptes et préfèrent se perdent en paroles et actes vains. 

Capture d’écran, le 2025-02-17 à 17.59.42.png

Seven fairytales of shame (2022)

Capture d�’écran, le 2025-02-17 à 17.59.52.png

Seven Fairy Tales of Shame est une pièce tragi-comique qui raconte l'histoire d'une jeune policière qui, après un événement traumatisant, est obligée de repenser à l'histoire de sa vie – ses contes de fées sur la honte – dans un effort désespéré pour retrouver sa raison.

Entrevue entre Tyrfingur Tyrfingsson
et Marianne Dansereau

Tyrfingur-Tyrfingsson-2022-scaled.jpg

Créer implique une forme de destruction. Il y a toujours, au cœur de l’acte créatif, un frisson de danger, une pulsion de mort, une mise en péril nécessaire. Comme le dit la psychanalyste Clarissa Pinkola Estés : En créativité, il faut grimper sur l’arbre le plus haut, jusqu’à la branche qui menace de se briser... et la laisser céder sous notre poids. Parce qu’au fond, c’est pas réel : on joue à être. Alors détendez-vous, c’est juste du théâtre, c’est pas sérieux. Sauf que cette destruction-là, dans la fiction, met plus d’oxygène dans la réalité.

En travaillant sur la pièce, je me suis aussi rendu compte que je voulais capturer, à travers les personnages, ce qu’est le combat et la fuite. À quoi ressemble le monde quand on est dans cet état-là presque animal ? Les personnages de la pièce semblent vus à travers les yeux d’un enfant : le père paraît immense, Katrín semble folle, le boulanger, lui, a quelque chose de dangereux. Tout devient vulgaire quand on est dans cet état exaltant de lutte et de débordement.

Marianne: Tu utilises les codes du théâtre grec dans Helgi. La tragédie aujourd’hui, c’est quoi selon toi ?

Tyrfingur: Je pense que la tragédie c’est de croire qu’on n’a pas le choix. C’est cette grande conviction de ne pas avoir le choix, alors que tu en as un. C’est cette grande dépendance à l’histoire, cette foi en l’histoire. Quelqu’un·e me jette un sort, et j’y crois. Quelqu’un·e me dit que je n’ai pas le choix, et j’y crois. Il y a aussi cette idée de laisser les autres écrire votre histoire à votre place. Je pense que c’est ça, la tragédie d’Helgi. Il y a quelque chose de profondément tragique à confier son récit à quelqu’un d’autre – que ce soient vos parents, le système judiciaire, ou encore un psychiatre qui pose des diagnostics horribles : "Vous êtes bipolaire", "Vous êtes un toxicomane", bla bla bla. Ces récits imposés finissent par définir ce qu’on est, et c’est là que réside la tragédie.

Marianne: Dans la pièce, est-ce que Helgi voudrait prendre le contrôle de son histoire ?

Tyrfingur: Avant de choisir la vie qu’on veut, on doit d’abord sentir qu’on la mérite. Contrairement aux autres personnages, Helgi lutte avec ça, aspire à ça. Je pense que quelqu’un qui se sent bien dans le système fait tout pour qu’il continue de tourner. Et puis, on est toujours chez soi dans ce qu’on connaît. C’est ça, le piège de la souffrance : pour beaucoup de monde, elle finit par ressembler à un refuge. Dostoïevski parle de « l’égoïsme de la souffrance ». À un moment donné, la douleur enferme les gens. Ils se referment sur eux-mêmes, deviennent hyper égoïstes. Ils comprennent que personne ne viendra les relever... alors ils ne relèvent plus personne. Et c’est comme ça qu’ils restent coincés. Le père, le boulanger... ils sont tous enfermés là-dedans.

Marianne: Pour moi, le boulanger est le personnage le plus énigmatique de la pièce. Qu’est-ce qu’il représente ?

Tyrfingur: Quelqu’un qui a dépassé la honte. Et c’est là que la cruauté prend le dessus. Le boulanger représente aussi le point culminant de la solitude. Quand la solitude est tellement partout qu’elle ne fait que créer plus de solitude. C’est quelqu’un qui a atténué sa propre lumière.

« QUELQU’UN VA BRÛLER. PIS APRÈS Y’A DE QUOI QUI MEURT. CHUI PAS CAPABLE DE VOIR DE CORPS MAIS JE SUIS CERTAIN QUE LA MORT EST LÀ, NON, PAS UN MORT, GENRE, UNE DISPARITION, UN ANÉANTISSEMENT. EN PREMIER, QUELQU’UN BRÛLE. EN DEUXIÈME, QUELQUE CHOSE QUI MEURT. PIS ENSUITE, C’EST TOI QUE JE VOIS APPARAÎTRE, HELGI ! »

Tyrfingur: Si je tombe malade, je n’irai pas tout de suite chez le médecin, j’appellerai d’abord un·e médium. J’ai assisté à des transes collectives plusieurs fois. J’ai eu une super voyante en Islande qui m’a prédit toutes sortes de
choses qui se sont avérées vraies par la suite. J’ai pris contact avec une femme ici à Amsterdam qui est médium, mais elle n’est pas aussi douée que les Islandaises. Les mères de mes ami·es ont des dons, ma mère aussi, elle rêvait. Son père est mort en 1995, mais ils se parlaient ensemble deux ou trois fois par semaine dans ses rêves. S’il y a des enfants disparus, parce qu’en Islande, à cause de la nature, c’est quelque chose qui arrive, les médias iront voir un·e médium. Tout ça, chez nous, ce n’est pas mal vu. Ce n’est pas considéré comme fou, même si les gens aiment mieux garder ça secret. Vous en parlez autour de vous et vous voyez si les gens sont ouverts à ça ou non. Mais la plupart des gens le sont.

Marianne: Ces personnes qui ont des dons, est-ce qu’elles sont utilisées dans la société ?

Tyrfingur: Oui. Même que la police fait appel à ces personnes.

Marianne: Wow !

Tyrfingur: Il y avait d’ailleurs une femme islandaise qui est allée au Danemark au 20e siècle. Elle a beaucoup travaillé pour la police là-bas et elle a élucidé plusieurs affaires de meurtre. La police l’a rappelée, car les agent·es ont été très impressionné·es par la façon dont elle s’y est prise.

Marianne: En terminant Tyrfingur, ta pièce en cinq mots ?

Tyrfingur: (Tyrfingur comptant sur ses doigts) « Une ode à la vulgarité ». On a besoin de se révolter, et on a besoin de ne pas être si poli·es et si gentil·les et si doux·ces. On a besoin de vulgarité.

Marianne: Et la petite fille ? Comme c’est le seul personnage d’enfant dans la pièce, j’aimerais connaître sa symbolique.

Tyrfingur: La petite fille est comme une version fantôme de la fille du boulanger. C’est une métaphore qui signifie : « ce à quoi tu résistes fini toujours par s’accrocher ». Tu ne peux pas juste te débarrasser des choses. Tu ne peux pas te débarrasser de ton enfant. Ni de ton enfant intérieur. Ni de la classe ouvrière. Ils sont et seront toujours là.

Marianne: Dans la pièce, tout bascule quand le père d’Helgi lui fait de terribles prédictions. Est-ce qu’il y a beaucoup de superstitions en Islande ?

THÉÂTRE À L'EAU FROIDE

TEF_Wave_4title_0517_v01_Blanc_edited.png

2006 Saint-Zotique Est,

Montréal, Qc, H2G 1J3
 

  • Instagram
  • Facebook
  • Vimeo
TEF_Wave_4title_0517_v01_Blanc_edited.png
bottom of page