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ENTREVUE AVEC
GABRIELLE LESSARD

À quelques jours de la première de notre future production: Brefs entretiens avec des femmes exceptionnelles, la fée du blogue s'est entretenue avec Gabrielle Lessard, la metteure en scène de notre quatrième spectacle! Cette nouvelle collaboration nous a fait découvrir une femme exceptionnelle aux multiples talents! Voici ce qu'elle a à nous dire! 

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FÉE DU BLOGUE: Pourquoi avoir embarqué dans l’aventure Brefs entretiens? 

J’ai été immédiatement séduite par le texte. En le lisant, j’étais déroutée. Je questionnais mes propres valeurs, mes perceptions et surtout, je me reconnaissais dans ces personnages dont les réalités et les idéologies sont pourtant si éloignées des miennes. 
J’avais envie de me plonger dans le monologue aussi, d’aller relever toutes les nuances, les luttes entre le sensible et l’intellect qui s’y trouvent cachées. Ces personnages viennent rencontrer le public, ils sont conscients qu’ils se soumettent à un examen de leurs personnages et ils ont l’habitude de devoir défendre leur marginalité. C’est riche pour une metteure en scène d’aller explorer cette lutte entre ce le paraître et l’être qui est particulièrement chaude dans le texte de Joan.


Je trouvais aussi que c’était des personnages vraiment riches à aller mettre au monde, parce qu’ils permettent d’aller explorer une certaine radicalité dans leur style, leur élocution et leur corporalité sans tomber dans la caricature.

FÉE DU BLOGUE:  Comédienne, autrice, metteuse en scène, directrice de la compagnie P.A.F… Est-ce qu’il y a quelque chose que tu ne sais pas faire (sérieusement tu m’impressionnes) ? 


Je ne dirige pas très bien ma compagnie! HAHA! L’Administration est une catastrophe et je perds tous les papiers! Travailler avec le formidable TEF me fait prendre encore plus conscience de mon manque de rigueur!! 

 

Pour ce qui est de l’interprétation, de la mise en scène et de l’écriture, je vois vraiment cette triple pratique comme une recherche de mon identité artistique. Plus les années passent, plus je mets d’énergie, d’espoir et de passion dans la mise en scène. Je suis une personne qui aime beaucoup de choses, qui est extrêmement curieuse et qui a de l’énergie à revendre. J’ai été attirée par ces trois domaines en même temps parce que mon appétit pour l’art théâtre et sa pratique me poussait à en explorer le plus de facettes possibles. Plus le temps passe et, avec lui, les projets, plus je sens que la mise en scène me permet de réunir mon amour du jeu, des mots, de la réflexion, de l’art visuel et du travail d’équipe,  cinq dimensions que j’allais chercher séparément dans mes différentes pratiques et que je peux réunir lors d’un même processus lorsque je suis metteure en scène.


Bien sûr je suis encore stimulée à écrire et recevoir une offre comme interprète me remplit toujours d’une grande joie, mais la mise en scène s’impose de plus en plus comme le médium par lequel j’ai le plus à offrir. 

FÉE DU BLOGUE: Selon toi, pourquoi les gens doivent venir voir le show? 

Je vais reprendre les mots de Joan Yago, l’auteur du spectacle…

Ces gens existent, ils vivent parmi nous. Il va falloir accepter de les regarder.

En préparant le spectacle, j’ai lu sur la marginalité et les processus de radicalisation pouvant mener à la violence, ça m’a énormément troublée de voir tous les ingrédients réunis dans la pièce.

La voix qui les questionne représente beaucoup les curiosités et les incompréhensions que le public pourrait avoir au contact de ces réalités. La plupart de ses interventions restent en surface et se contentent de remettre en lumière les étrangetés qui nous sautent déjà aux yeux dans leur apparence physique, leur mode de vie. Les personnages sont très généreux et essaient de partager leur faille, mais cette dernière est ignorée et on les ramène sans cesse à ce qui finit par les isoler de la majorité. On renvoie leur marginalité à une incongruité et les force à s’expliquer sur des trucs qui ne leur tiennent pas tant à coeur. 


Sinon, on essaie de les faire se contredire, pour les invalider. Un bon exemple est celui de la Barbie. Elle a une pratique spirituelle, elle est écrivaine et a vécu beaucoup d’expériences de vie mais la moitié de l’entrevue est consacrée à parler de son apparence physique.

Ces personnages ont vécu de la marginalisation et du jugement et ça les a poussés à se cacher derrière des idées arrêtées et des modes de vie radicaux, mais si on le questionnait VRAIMENT, si on comprenait que vivre en société c’est aussi avoir de la curiosité pour ceux qui nous déstabilisent personnellement mais qui partagent quand même ce projet commun de  communauté. 

Voir la pièce, c’est se retrouver du côté de celui qui juge en même temps que notre sensibilité et notre empathie veut embrasser ce qu’ils ont à dire. C’est très déstabilisant mais surtout, lumineux comme expérience. 

FÉE DU BLOGUE: Trois mots pour te décrire ?

Enthousiaste
Amoureuse
Insécure

© Pascale Méthot

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© Étienne Marquis

FÉE DU BLOGUE: Tu t’identifies à quel personnage? Lequel est le plus près de toi? 

Rosie!!! 
Moi aussi j’ai parfois (souvent) l’idée d’aller me cacher dans le sous-sol de ma maman pour vivre pleinement qui je suis et que je trouve souvent incompatible avec le monde extérieur. Pour arrêter de souffrir de mes difficultés d’entrer en relation et de gérer mes émotions.
Mais ce n’est pas parce que je m’identifie que je pense que c’est réellement une solution.

Je pense que déstigmatiser la santé mentale, d’en parler pour ce qu’elle fait vivre dans le quotidien sans avoir peur que les gens autour de nous hésitent à nous engager, se lier d’amitié ou développer un lien amoureux est la réelle solution. Accepter de se faire déstabiliser, de laisser l’autre être et de l’aimer autant pour ses bons que pour ses mauvais coups est, pour moi, un semblant de solution beaucoup plus viable que ce que Rosie a dû mettre en place. 

FÉE DU BLOGUE: Quand on te dit Catalogne, toi, ça t’évoque quoi? 

 

Lutte identitaire

FÉE DU BLOGUE: Une réplique de théâtre qui t’a marquée?

 

J’ai pas le texte papier de “ Ceux qui se sont évaporés” de Rébecca Deraspe mais mettons que je dirais… TOUT LE MONOLOGUE FINAL!!!! C’est quelque chose!!!!!
 

FÉE DU BLOGUE: La première fois à La Licorne pour toi? Comment tu te sens à l’idée de présenter une mise en scène là-bas? 
 

Tellement excitée et reconnaissante!!

C’est un théâtre que j’ai côtoyé uniquement à titre de spectatrice durant les dix dernières années. Il est devenu un peu mythique pour moi et j’ai toujours secrètement (pas si secrètement que ça) rêvé d’y travailler! 

L’ambiance est tellement bienveillante et tout le monde est là pour te faciliter la vie. C’est génial! 

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© Étienne Marquis

FÉE DU BLOGUE: Dans ce renouveau théâtral, que nous souhaites-tu en tant que milieu artistique?

Le milieu artistique et surtout les individus qui le tiennent à bout de bras … (travailleurs culturels, créateurs, interprètes…) ont déjà toutes les compétences nécessaires, les forces vives et le talent pour rendre le milieu riche et pérenne. Nous sommes surprenants de  réinventions, de résilience et d’imagination. Ce que je trouve dommage ces dernières années c’est que nous agissons encore comme si la solution devait venir entièrement de nous. Je crois que les artistes que je côtoie depuis maintenant 10 ans dans ma pratique professionnelle ont tout ce qu’il faut d’ouverture, de créativité et de débrouillardise pour assurer un milieu équilibré et diversifié. Bien sûr, il faut ne jamais stagner et toujours se remettre en question, réinterroger… vérifier les angles morts. Mais il y a une limite quand les ressources financières qui nous permettraient de nous consacrer vraiment à nos qualifications (CRÉER) sont insuffisantes et nous obligent à nous diviser en dizains de rôles simultanés qui finissent par nous épuiser, voler du temps de création et déresponsabiliser les gouvernements qui malgré le sous-financement aberrant de notre milieu peuvent se targuer d’un milieu artistique vigoureux et flamboyant… Ce qui manque, c’est les ressources pour nous permettre de fonctionner à pleines capacités. Plus les mécènes et le financement privé prennent de place, plus les C.A, producteurs etc… prennent de place dans le processus décisionnel parce que nous ne sommes pas indépendants. C’est plus dur d’encourager la relève, la diversité et le renouvellement des paroles si nous devons rendre des comptes à un système qui vise l’équilibre budgétaire et la rentabilité, qui est peu au courant de notre réalité et qui s’attend à du rendement. On ne peut pas calculer le rendement de l’art avec les mêmes outils que les intérêts privés qui vont finir par prendre de plus en plus de place dans nos fonctionnements si l’argent public continue à manquer cruellement pour la relève et même les compagnies intermédiaires. Pour nous permettre un peu de dignité, il nous faut subsister. C’est un métier que nous pratiquons et nous sommes essentiels.

FÉE DU BLOGUE: Merci beaucoup Gabrielle pour ce bel échange!

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