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CYGNES NOIRS ET L'ÉCORESPONSABILITÉ

Le milieu théâtral vise un changement de cap écologique ; l’écoresponsabilité comme moteur de création. Étant conscient.e.s de l’empreinte laissée par des formes artistiques éphémères, les membres du Théâtre à l’eau froide ont voulu sauter dans le bateau des initiatives écoresponsables. C’est pourquoi nous avons demandé la subvention Production, diffusion, promotion et consolidation écoresponsables du Programme de partenariat territorial en lien avec la collectivité de l’île de Montréal. Grâce à cette aide financière, nous avons pu bénéficier des précieux conseils d’Écoscéno afin de mieux réfléchir Cygnes noirs et son impact environnemental. C’est donc grâce à l’aide de Julie Fournier et Coline Declercq, toutes deux accompagnatrices en écoconception, que nous avons pu développer de nouveaux mécanismes de production. Nous avons appris à mieux réfléchir la récupération d’éléments scéniques, à la seconde vie que ceux-ci auront et à l’achat local afin de réduire au maximum notre empreinte carbone. 

 

Afin de mieux comprendre toutes les facettes d’une production écoresponsable, nous nous entretenons avec Coline Declercq d’Écoscéno, Olivia Pia Audet (conceptrice costumes) et Étienne Marquis (directeur technique).

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COLINE
DECLERCQ 

Q. Tout d’abord, Coline, peux-tu nous expliquer en quoi consiste un accompagnement en écoconception ? 

 

Écoscéno propose un service-conseil personnalisé pour accélérer la transition écologique, en propulsant l’économie circulaire dans le secteur culturel. Notre équipe accompagne les projets de création, de l’idéation au démontage, pour améliorer leur impact environnemental. Cette démarche offre à l’équipe de production un appui permettant d'intégrer des pratiques écoresponsables à chaque étape clé de la production.
 

Q. Selon toi, quels étaient les plus grands défis à réaliser pour la conception de Cygnes noirs

 

L'accompagnement de Cygnes noirs étant toujours en cours, je dirai que les défis actuels concernent en grande partie la provenance et la prochaine vie des éléments du décor. Par exemple, le revêtement du sol, qui est très souvent un enjeu dans les productions culturelles.

 

Au début du projet, nous avons envisagé un linoléum certifié écoresponsable à toutes les étapes de son cycle de vie. Nous nous sommes finalement aperçus qu’il n'était pas adapté au jeu des acteurs pour cette production : l’un des costumes génère beaucoup de transpiration, nous devions donc trouver un sol plus absorbant !

 

Pour répondre à cet imprévu, la production s’est finalement orientée vers de la moquette. Écoscéno a donc suggéré des moquettes dotées de caractéristiques écoresponsables, pour limiter au mieux l’impact environnemental de cette matière. Les délais de livraison sont cependant insuffisants à ce stade du projet et l’écoconception d’une production nécessite du temps. Nous cherchons aujourd’hui à optimiser la découpe de la matière qui sera finalement choisie, pour en favoriser la réutilisation lors de productions futures.

 

Ainsi, travailler en écoconception implique différentes étapes de réflexion tout au long du projet, et requiert de trouver des solutions adaptées au contexte de la production ! 

Q. Rapidement, quels conseils donnerais-tu à une compagnie qui souhaite faire la transition vers une première écoconception? 

 

D’intégrer l’écoconception le plus tôt possible dans le projet ! 80% des impacts environnementaux peuvent être évités au moment de l’idéation. L’anticipation permet ainsi de se poser les bonnes questions et d’adapter nos façons de faire. Lors d'imprévus en fin de projet, la marge de manœuvre est ensuite plus limitée, bien qu’il y en aura toujours lors d’une production d’une pièce de théâtre !

Q. Quelle est la différence majeure entre une conception de costumes dite écoresponsable et une conception de costumes qui fait abstraction de l’empreinte écologique? Est-ce que ça ajoute une charge plus grande à ton travail ?

 

De mon humble expérience de conceptrice qui travaille depuis seulement 5 ans, le théâtre étant toujours confronté à de petits budgets, certaines méthodes dites écologiques ont toujours été utilisées faute de moyens. Je parle ici de magasinage en friperie par exemple pour n’en nommer qu’une. Ceci dit je pense que d’écoconcevoir implique beaucoup plus que de simplement magasiner en friperie parce qu’on manque de sous! 

 

Après avoir vécu l'écoconception sur Cygnes noirs, je pense que la réflexion doit se faire à l’étape de la création du spectacle. Dans le dessin et la recherche d’images, dans la recherche générale de l’esthétique du spectacle, il doit exister un flou ou une flexibilité dont le seconde main, la teinture naturelle, les trouvailles chez les artisans locaux nous permettent de faire évoluer notre esthétique pour servir l’écologique…

 

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Ça ne veut en aucun cas dire que l’esthétique ne peut pas toujours servir le visuel et le propos du spectacle au contraire, mais il faut rester flexible et se donner une marge d’aisance dans notre recherche d’esthétique avec le metteur en scène afin de se permettre de faire des choix plus éco. Il faut aussi savoir que pour l'instant le 100% éco n'existe pas… En tout cas, pas encore! Ce qui est d'ailleurs parfois plus difficile à accepter, pour moi comme personne haha!

 

Le milieu du théâtre comme le reste de notre société demeure un milieu de production et de présentation d'un produit "final" ce qui donne lieu à des "rushs" ou parfois des moments de création qui nous limitent dans le temps. Ce n'est pas nécessairement un défaut, mais ça met au défi le mode d'opération écologique puisque je crois en effet que la création éco prend plus de temps que la création qui fait abstraction de l'empreinte écologique. Par exemple, la teinture naturelle est beaucoup plus longue à faire pour obtenir un résultat qui se rapproche de ce qu'on souhaite. Ça prend des essais, des erreurs, ça prend plus de tissus, ça prend plus de connaissances pour arriver à ces résultats puisque malheureusement ce sont des méthodes anciennes qui se sont perdues et qu'on tente de retrouver petit à petit.

 

Les recherches de tissus plus écologiques, les recherches de compagnies de vêtements qui ne font pas du fast fashion ou du green washing, faire des rencontres avec des artisans locaux afin d'établir des liens de confiance et des possibilités de collaborations! Bref, ça prend plus de temps, mais c'est payant au final je crois! Même si les résultats ne se retrouvent pas tout le temps dans un seul spectacle, la "rentabilité" de l'éco se retrouve à long terme définitivement et se voit sur l'empreinte humaine (nouvelles collaborations, amélioration de la qualité du milieu de travail...), écologique (notre enfouissement devient considérablement moins grand), sanitaire (moins d'utilisations de produits toxiques) et sur bien d'autres aspects, c'est évident!

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Q. Tu as été chercher différents tissus dans le costumier des Grands Ballets, n’est-ce pas? Comment c’était ? 

 

C'est toujours très excitant de rentrer dans un atelier/entrepôt de tissus. La création se précise ou bien elle s'ouvre et s'ajuste à ce qui est trouvé! Une conception peut complètement prendre un cap différent avec la découverte de nouveaux tissus et donc de possibilités! C'est intéressant de s'imaginer des choses dans l'abstraction, mais il n'y a rien de plus excitant que de tranquillement donner un aspect concret à cette conception qui a d'abord commencé son évolution dans ta tête!

OLIVIA
PIA AUDET

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Q. En tant que producteur et directeur technique de Cygnes noirs, quel a été ton plus grand apprentissage en lien avec l’écoconception? 

 

La réponse va peut-être sembler simple, mais je dirais que mon plus grand apprentissage a été de développer les bons réflexes pour que la production atteigne la plus faible empreinte écologique, et ce,  lors de chaque étape de la création. 

 

On est habitué en direction technique à réfléchir à plusieurs alternatives à un même élément conceptuel, pour être certain que les demandes se réalisent.  En écoconception c’est la même chose : il faut réfléchir chaque élément en se demandant comment on pourrait faire pour qu’il soit encore plus écoresponsable. Ça passe par la sélection des matériaux et des équipements, leur modification et leur utilisation et par leur vie une fois la production terminée.

 

ÉTIENNE
MARQUIS

La perfection est difficile à atteindre quand on travaille avec un médium comme celui du théâtre, mais le fait de garder cette approche en tête est déjà une avancée énorme sur la façon de produire des spectacles. Plus on développe ces habitudes, plus ça devient stimulant et valorisant de reproduire ce qui a bien fonctionné sur nos autres projets et d’apprendre de nos moins bons coups. Tout ça dans le but de repousser les limites toujours plus loin. 

 

En 2024, je suis d’avis que l’écoconception est primordiale et que les producteur·trices de théâtre et leurs équipes ont le devoir d’appliquer cette approche lors de leurs créations.

 

Q. Quels ont été les principaux défis que tu as rencontré du point de vue de la direction technique? 

 

Je dirais que mon principal défi a été d’accepter qu’on allait parfois devoir adapter les concepts dans le but de les rendre le plus écoresponsables possible. Parfois les ajustements sont mineurs, mais comme on applique le réemploi de matériaux, il faut faire preuve de créativité et de flexibilité pour réfléchir les conceptions avec comme objectif de leur permettre de rencontrer les standards environnementaux de la production, tout en s’assurant qu’elles ne perdent pas de leur essence.

 

C’est pour cette raison que c’est un réel plaisir pour un directeur technique de collaborer avec des concepteur·trices qui ont à cœur de créer de manière écoresponsable, en se montrant prêt·es à faire des compromis et à participer  aux réflexions entourant des alternatives vertes à leur concept initial.

 

J’ai eu cette chance sur Cygnes noirs

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